La crise de la COVID-19 a démontré l’importance que revêtait l’accès à Internet dans l’ensemble du monde, l’Afrique n’y faisant pas défaut ; dans ce contexte, le Numérique a alors permis aux populations, a fortiori les plus isolées, de maintenir le lien tout en leur permettant d’avoir accès à un certain nombre de services en ligne dans les secteurs de l’Education, de la Santé, de l’Administration Publique, etc. La connectivité, c’est-à-dire la possibilité pour un système d’être connecté par le biais d’un réseau, devient donc un enjeu important et conditionne la capacité d’accès, autant aux services publics qu’à des pans entiers de l’économie. En effet, le taux de pénétration des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) constitue un facteur majeur du potentiel de développement, autant pour éviter que ne subsistent des « zones blanches » sur le continent africain, que pour permettre à l’État d’optimiser l’efficacité de services souvent déjà particulièrement sollicités.
La Connectivité, facteur d’accès aux services publics
L’accroissement de la connectivité apparaît comme la condition sine qua none pour faciliter l’accès aux services publics dans les zones rurales. Les possibilités offertes sont par exemple symbolisées par l’application rwandaise Irembo, qui permet d’avoir accès directement aux administrations publiques. D’autres exemples sont également révélateurs des nombreux services que permet le Numérique dans les secteurs de la Santé et de l’Education. Ainsi, développée par des Nigérians, l’application FD-Detector permet de scanner le code-barre d’une boîte de médicaments pour s’assurer de son authenticité ; au Bénin, l’application GoMedical rend possible la localisation de médecins dans une région. Cette dernière se présente tout particulièrement comme un exemple concret de solution numérique dont l’objectif est d’améliorer l’accès aux services publics dans une Afrique subsaharienne qui ne compte en moyenne qu’1,3 travailleurs de la Santé pour 1000 habitants. De même, dans cette région où 34,7% de la population de plus de 15 ans peut être considérée comme analphabète, le potentiel en termes d’éducation qu’offre une amélioration de la connectivité ne peut être négligé. En Côte d’Ivoire et au Ghana, il existe ainsi un service de e-learning par SMS, Chalkboard Education, donnant la possibilité de télécharger des contenus éducatifs et d’entrer en contact avec des professeurs sans même utiliser internet. En somme, améliorer la connectivité dans les zones rurales africaines doit être une priorité pour les pouvoirs publics. Cela permettrait d’accroître considérablement les options dont disposent les populations rurales pour briser leur enclavement et accéder à des services publics. Mais cela aurait également un impact économique non-négligeable. Une meilleure connectivité, et donc un accroissement du nombre d’abonnés aux services des opérateurs de réseau, permettrait ainsi une amélioration conséquente des rentrées fiscales pour les pays africains. D’après un rapport de la GSMA (Global System for Mobile Association) centré sur 12 pays d’Afrique subsaharienne et publié en 2017, les revenus fiscaux et réglementaires prélevés sur les opérateurs de téléphonie mobile ont représenté 4,4 milliards de dollars en 2015, une somme équivalant à 35% de leur chiffre d’affaires. Un livre blanc publié par l’Entreprise Huawei insistait sur le fait qu’une augmentation de 10% du taux de pénétration du haut débit entraînait une augmentation du PIB de 1,3% en moyenne et de l’emploi de l’ordre de 3%. Ainsi, une meilleure connectivité ne faciliterait pas seulement l’usage des services publics, mais contribuerait également à leur financement et à celui de nouvelles infrastructures, enclenchant ainsi un véritable cercle vertueux.
Une dynamique Numérique à amplifier
Cette dynamique positive, combinant hausse de la croissance endogène et augmentations des capacités d’action des États pourrait intervenir dans un contexte déjà favorable et où le recours aux TIC connaît une croissance continue depuis près de deux décennies. En effet, depuis la fin des années 1990, l’Afrique s’est progressivement engagée sur le chemin de la quatrième révolution industrielle, conduisant à des transformations majeures dans de nombreux pays. D’après le cabinet PwC, la moitié de la population subsaharienne disposera d’un abonnement de téléphonie mobile[1] en 2025, soit environ 600 millions de personnes. L’utilisation de smartphones connaît également une croissance importante ; ceux-ci représentent d’ores et déjà 50% du total des connexions en 2020 selon un rapport de la GSMA. Et près de 65% de la population subsaharienne devrait posséder un smartphone en 2025. Ces quelques données illustrent le fait que le Numérique est en pleine expansion depuis plusieurs années déjà sur le continent africain. Ces indicateurs positifs ne doivent toutefois pas camoufler les défis et enjeux auxquels l’Afrique doit encore répondre : la population y est la moins connectée des six continents. Au début de l’année 2020, 53% des Subsahariens n’utilisaient pas internet alors qu’ils avaient accès à des réseaux internet mobiles et 19% d’entre eux ne disposaient pas de réseaux 3G dans leur lieu de résidence[2]. A l’inverse, en Amérique du Nord, seul 1% de la population n’avait pas de réseau 3G, quand ce chiffre s’élevait à 3% en Europe et Asie centrale. Les réalités locales sont par ailleurs très hétérogènes, tant entre les États – ceux situés sur les littoraux disposant d’une capacité de connectivité supérieure du fait de leur raccordement plus fréquent aux câbles sous-marins, qu’à l’intérieur de ceux-ci. Selon la GSMA, l’Afrique est ainsi le continent où l’on constate l’écart le plus important dans le taux de pénétration de l’internet mobile entre zones rurales et urbaines. Les habitants des premières ne sont que 16% à utiliser l’internet mobile contre 40% dans les secondes. Le potentiel d’amélioration n’en est que plus important lorsqu’on sait que la ruralité constitue le lieu de vie de 59% de la population subsaharienne, et que la présence des services publics n’y est pas toujours optimale. Ces différentes données brossent donc le portrait d’un continent certes en pleine expansion numérique, mais dont une part importante de la population pourrait rester à la marge des transformations induites par les nouvelles technologies.
La nécessité d’investissements massifs pour augmenter la Connectivité
C’est pourquoi surmonter ces disparités et accroître la connectivité dans les zones rurales requiert une ambitieuse politique d’investissements. Une estimation évalue à 100 milliards de dollars les besoins en investissement dans les infrastructures sur la décennie 2020-2030 afin de faire de l’accès à internet une réalité universelle en Afrique. Pour être réalisable, cet effort doit cependant être mené conjointement par les acteurs publics et privés. Si les premiers sont indispensables pour donner l’impulsion, fixer les objectifs et définir le cadre légal, les seconds disposent du savoir-faire mais aussi d’une capacité à faire savoir qui rend leur collaboration incontournable. Car l’effort engagé pour améliorer la connectivité en Afrique doit se mener sur deux fronts : celui des infrastructures bien évidemment, mais également celui de l’éducation et de la formation, sans lesquelles le potentiel de ces transformations risquerait de rester inexploité. A titre d’exemple, une entreprise comme Huawei ne propose pas seulement des solutions comme RuralStar, destinée à faciliter l’accès au haut débit en zone rurale et implémentée dans plus que 17 pays africains, notamment en Guinée avec l’appui de Orange Guinée, mais dispose également de compétences en matière de formation des talents, tant au niveau universitaire comme le montre la Huawei ICT Academy qu’au niveau local avec DigiTruck dont l’objectif est de lutter contre la fracture numérique. En somme, seul un partenariat public-privé exécuté de manière volontariste peut permettre non seulement d’améliorer le potentiel de connectivité, mais aussi de former suffisamment les habitants des zones visées pour leur permettre de profiter des potentialités offertes par le numérique, et par ce biais, de rentrer en lien avec les services publics.
Nadège Koffi