En octobre 2024, l’Artiste Peintre Zulu M’BAYE aura 70 ans. Un parcours professionnel remplit de faits marquants et d’actions posées pour l’Art sénégalais, plus précisément la Peinture négro-africaine. Aujourd’hui Président du Village des Arts de Dakar, l’Artiste de par ses œuvres nous parle de l’Homme. Dans cette interview accordée à notre média www.afriqueeconomie.net Zulu M’BAYE nous parle de son actualité qui est la Biennale de Dakar, devant se tenir du 07 novembre au 07 décembre 2024 au Village des Arts de Dakar et nous raconte sa rencontre avec le Roi du Maroc Mohammed VI, qui va changer l’histoire de sa vie, qui pour lui reste le plus beau souvenir. Artiste engagé pour un continent qui est fière de ses racines, il invite ses frères Artistes africains à prendre conscience qu’ils peuvent avoir leur place dans le concert mondial artistique et qu’ils doivent croire en eux et arrêter de copier ce qui se fait ailleurs.
A.E : Présente-toi à nos lecteurs
Mon nom à l’état civil Mouhamadou M’BAYE, mais le nom le plus connu c’est plutôt Zulu M’BAYE. Zulu pourquoi ? Parce ce qu’en 1981 j’ai décidé de changer de nom parce ce que je suis musulman ; mon nom est Mohamed, mais je me suis rendu compte qu’avec la Peinture que je faisais, que j’appelle une peinture très négro-africaine, je suis musulman mais je ne suis pas arabe. Un nom qui collerait mieux à ces peintures est un nom qui sonne africain. Et c’est comme cela qu’en 1981 j’ai choisi le nom Zulu et depuis je signe sur mes toiles Zulu ; je pense que cela va mieux avec cette peinture et cette définition de négro-africaine que je lui donne.
A.E : Quelle est ton parcours universitaire et professionnel ?
Mon parcours universitaire, Dieu merci je ne suis pas allé jusqu’à l’Université. J’ai été très jeune à l’âge de 16 ans expulsé du lycée parce ce que j’ai été un élève très turbulent et j’ai été renvoyé du lycée. Ne me demandez pas pourquoi ! C’est drôle et très rigolo, mais j’étais tellement terrible, qu’un conseil de professeurs a été fait afin que je sois renvoyé du lycée. Très jeune, mon beau-père qui m’a élevé parce ce que j’ai perdu mon père très jeune, m’a dit que tu ne vas pas rester dans le quartier avec de mauvaises fréquentations ; il faut que tu fasses d’autres études où que tu ailles dans l’armée. Bon, comme il ne fallait pas me parler d’armée, j’ai choisi de faire de la comptabilité et parce ce que je me voyais très bien en maths. Je souligne en passant que j’ai rarement été deuxième de ma classe ; mais le destin peut-être m’a emmené vers d’autres bords et c’est pour cela que j’ai été renvoyé du lycée. Et donc j’ai pensé faire de la comptabilité et beaucoup plus proche des maths que j’aimais beaucoup. Et donc c’est en faisant la comptabilité au cours Pigier de Dakar que je rencontre mon ancien Professeur de latin qui me voyait pendant son cours que je n’aimais pas trop, dessiner, copier des aventures qui me passionnaient. Et donc, il me dit qu’est-ce que tu fais maintenant jeune M’BAYE ? Je lui dis que je fais de la comptabilité. Il me demanda si j’avais les dessins que je faisais à l’époque pendant son cours. Je lui ai répondu que je savais plus, mais que je vais chercher à la maison où j’ai pu les placer. Il m’a dit qu’il m’invite le jeudi prochain à déjeuner ; ceci c’était en 1970. Il m’a dit qu’il déjeune avec un ami qui est français coopérant, professeur à l’école des Beaux-Arts et si je trouve des copies de ce que je faisais en classe, je les ramène avec moi ; je vais te le présenter. Et donc ce jeudi à midi comme convenu, je me présente à ce français qui s’appelle Pierre LOTH, qui est Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Dakar et ce dernier me conseilla de fréquenter ses ateliers libres. Il avait ouvert des Ateliers libres que des personnes qu’ils rencontraient, qui avaient des prédispositions ; des fois il vous conseillait de ne pas aller à l’Ecole des Beaux-Arts où il enseignait, mais de fréquenter ses ateliers libres. Et pendant ce temps donc, je fréquentais ses ateliers de Pierre LOTH, avec un peu de complexe. Je me disais que j’aurai dû bien aimer aller à l’Ecole des Beaux-Arts et j’avais un peu de complexe devant les jeunes de mon âge, qui eux allaient aux Beaux-Arts. Mais aujourd’hui Dieu merci je ne regrette rien ; au contraire en sept ans j’ai travaillé sous l’aile de mon maître, qui était un véritable Professeur, parce ce que disons-le je ne crois pas beaucoup aux Professeurs d’Arts, je crois plutôt à celui qui te conseille, qui te donne des idées, des règles à suivre ; vraiment c’était plutôt un conseiller qu’un Professeur.
A.E : Depuis quand es-tu dans le vernissage ?
Depuis 1970 je fais de la Peinture et quelques mois après l’école de comptabilité, je faisais des dessins à l’encre de chine et par hasard une exposition a eu lieu en France et c’est une de mes encres de chine qui était sur du papier canson avec de la plume, j’ai dessiné et une de mes encres de chine faisait l’affiche de cette exposition. Et c’est comme cela que j’ai dit mais écoute ça marche, alors je quitte les études de comptabilité pour me consacrer depuis 54 ans aujourd’hui à la Peinture. Depuis j’ai fait pas de choses ; j’ai exposé un peu partout à travers le monde et j’ai eu des Prix qui m’ont envoyé en France, huit ans après la Belgique, j’ai fait 10 ans là-bas car j’ai adoré le pays du fait de sa situation géographique en Europe me permettait d’aller dans beaucoup de pays très facilement ; et après l’Allemagne. C’est 2012 que j’ai décidé de rentrer chez moi parce ce que j’en avais un peu marre de la vie en Europe, je voyais que cela ne collais pas avec moi et donc il fallait que je rentre à la maison. Mais il faut dire qu’avant de partir en Europe en 1987, j’ai été Président de l’Association nationale des Artistes sénégalais et j’ai eu à organiser pas mal d’expositions pour les Artistes, en Europe, jusqu’en Russie aux Etats-Unis et un peu partout en Europe. C’est 1989 que j’ai quitté la Direction de l’Association pour partir en Europe. Vraiment je ne partais pas dans ma tête que j’allais rester vu que j’avais un visa d’un mois ; donc ce n’étais pas pour rester, mais la vie a fait ou le destin je dirai mieux a fait que je suis resté, je ne sais pas pourquoi, parce ce que moi je n’ai pas de programmes, je ne définis pas de programmes dans ma vie d’Artiste. Je vais là où la vie m’emmène et c’est pour cela que j’ai été primé un peu partout, à travers le monde et aujourd’hui je suis Président de l’Association du Village des Arts de Dakar et je continue toujours à organiser des Expositions un peu partout pour les Artistes. Il faut dire que ce village des Arts est constitué de 50 ateliers et de deux espaces, de résidences, de cafeteria et de galeries ; vraiment l’une des meilleures. Et l’autre galerie s’appelle Léopold Sedar Senghor. Aujourd’hui je vis à Dakar, je travaille à Popenguine, c’est un village de pêcheurs, un petit village à 70 km de Dakar ; et c’est là-bas que je travaille et à chaque fois que je revenais de l’étranger, c’est dans cette localité que je travaillais.
A.E : Quels sont les thématiques de tes œuvres ?
Parler de thématiques de ma peinture est quelque chose de facile et pas facile, mais toute mon œuvre parle de l’Homme. Je pense que l’Homme qui est impliqué dans ce que je fais ; l’Homme ou l’humain, on va le dire est au centre de mes préoccupations culturales, artistiques. Et pourquoi ? Parce qu’un Homme, il y a tout. Nous sommes des êtres habités, chargés et je pense qu’il y a comme une sorte d’étincelle en nous qu’on a en commun et cette étincelle, je l’appelle Dieu ou la nature ou la vie. Et cette étincelle est très chargée ; chargée de ce qu’on appelle la création. La création est une question qui interpelle ou qui nous amène vers le divin, donc vers Dieu ou vers la nature pour ceux qui ne croient pas ; où vers la vie, les païens et autres. Cet Homme, cet humain est chargé de beaucoup de choses. Je cherche en moi ce qui est posé en moi. Mais avec bien sûr l’expertise que j’ai un vocabulaire, une palette, etc. Et je sais aussi que le monde, le cosmos est chargé d’images, de formes, de couleurs, que j’essaie d’interpréter comme des informations qu’on m’envoie parce qu’on nous dit toujours que nous n’avons pas encore passé 6% du potentiel qui est en nous en tant qu’humain. Et je me dis où sont les 94% qui restent ; et ces 94% pour moi, c’est vraiment des informations qui sont dans la multitude, dans l’univers, que nous essayons ; comme si on avait des antennes de récupérer ; d’être en connivence, en rapport avec elles ; donc ma peinture n’est pas une illustration de quelque chose ; c’est un peu une sorte de voyage intérieur que je fais au fond de moi et que je sais qu’il y a une multitude de choses qui sont déposées chez chaque humain et j’essaie de traduire ces émotions, ces ressentis, cet esprit humain vers des choses qui n’habitent pas notre esprit, parce que dans la création l’esprit fonctionne normalement, maximum à 10% et les 90% sortent de notre sentir, de notre perception, de notre regard qu’on a à travers le monde et les choses dont il est chargé. Et voilà pour moi la peinture c’est vraiment comme si je jouais des notes de musique sans me préoccuper à des accords. Au fait c’est comme si j’avais quelque chose qui me dictaient, des notes des accords que je produisais avec ces 10% d’intelligence ou de réflexions. J’essaie de les arranger, de les accorder, mais je sais qu’il y a quelque part un chef d’orchestre qui accorde tous ces instruments, qui me permettent de faire cette musique ; et voilà je pense que c’est plus profond, plus humain que de chercher à regarder des nuages ou se mettre devant la mer ; non, moi je sais que c’est déposé en moi et que j’essaie de les trouver, de les sortir, de les rendre ; ce qui fait que mes œuvres sont des propositions, des suggestions et à chacun d’y trouver sa propre lecture, sa propre compréhension, s’il y a compréhension ; parce que pour moi il n’y a rien à comprendre, il a tout à sentir, tout est à interpréter selon soi-même et donc voilà ma peinture est suggestion, ma peinture est proposition, ma peinture est découverte. Ce n’est que le rendu d’une cuisine intérieure que je ressors.
A.E : Quel est ton actualité ?
Présentement, je me prépare pour la Biennale de Dakar ; cette Biennale qui fait la fierté de l’Afrique, qui est une des plus grandes Biennale du monde. Donc on a reporté parce qu’elle devait avoir lieu en mai 2024, mais que l’Etat sénégalais a reporté au mois de novembre 2024. Ça sera exactement du 07 novembre au 07 décembre 2024. Et dans le cadre de cette Biennale, j’organise au Village des Arts, avec les Artistes du Village des Arts, une grande exposition internationale qui va regrouper une dizaine d’Artistes de l’Île de la Barbade et une douzaine d’autres Artistes du Nigeria, une Artiste du Maroc et une autre Artiste Guatémaltèque. Je recevrai aussi un Groupe de Jeunes français qui vont venir faire une grande frasque murale au village des Arts ; c’est-à-dire qu’ils vont peindre tout le mur du Village des Arts, qui fait un peu plus de 100 mètres et donc je m’attèle à l’organisation de cette Biennale. Mais j’ai beaucoup d’autres Expositions en octobre 2024. Je fais partie d’un Groupe d’Artistes sénégalais qui vont aller exposer au Musée du Missouri aux Etats-Unis et après j’ai d’autres Projets avec le Maroc, mon deuxième pays de cœur si vous voulez et là je me prépare une grande exposition aller-retour l’Artiste marocain et sénégalais ; donc voilà un peu ce que je suis présentement en train de préparer.
A.E : Parle nous de tes affinités avec le Maroc ?
Parler du Maroc, c’est parler d’un pays que j’ai découvert il y a six, sept ans parce qu’en 2016, j’étais aussi Président de l’Association des Artistes du Village des Arts de Dakar et un jour (jeudi) arriva un visiteur que je n’ai jamais vu, que je n’avais jamais rencontré et qui débarqua inopinément au Village des Arts. Je voyais des grosses voitures entrer dans le Village des Arts et je me disais mais qui c’est ? ; ça doit être peut-être le Président de la République ou quelle personnalité ? Parce que il y avait vraiment un cortège important et je me suis dit alors ! Zulu va voir qui c’est ! Et donc je partais à leur rencontre et quand je suis allé vers eux, je voyais que beaucoup de gens sortaient et des voitures et convergeaient autour de quelqu’un. Donc je me suis dit c’est le Big Boss, je vais avancer vers ce Monsieur ; je lui tendis la main et je me présente en tant que Zulu, Président de l’Association des Artistes du Village des Arts de Dakar, Monsieur vous venez visiter le Village des Arts ? Il me répondit oui ; je lui dis alors suivez-moi. Et donc on commença à faire le tour des Ateliers et quand un moment je ne savais qui c’était ; il ne m’a pas dit qui il était. Et donc un moment j’ai eu la curiosité de demander à quelqu’un (un Monsieur, probablement un Garde de Corps). Je lui demandais qui est ce Monsieur ? Et lui était complètement comme surpris ; il me répondit que c’est le Roi du Maroc. Je dis quoi ? Il me confirme que c’est le Roi du Maroc. Bon, il était habillé de façon simple (chemise et jeans, chapeau). Ça me surprenais que ce soit un Roi et donc voilà comme je n’avais jamais parlé avec un Roi, je n’avais jamais rencontré un Roi, je me perdais dans l’appellation à lui donner (votre Altesse, votre Majesté, etc) ; il souriait toujours. Et ce jour, on fit la moitié des Ateliers du Village des Arts. Il me dit Monsieur Zulu, je suis fatigué. Il faisait 18 heures, parce qu’il est arrivé vers 15 heures. Je retourne à l’Hôtel, mais demain vendredi après la prière, je reviendrai. Et donc voilà, on avait fait que la moitié du Village. Alors que pendant ce temps, le bruit avait couru dans le Village que c’était le Roi du Maroc qui visitait et qu’à chaque fois qu’il entrait dans un Atelier, il achetait comme s’il était dans une boulangerie, comme de petits pains. Alors donc que tous les autres qui attendaient et qui ne l’ont pas vu arriver dans leurs ateliers, se sont dit que c’est Monsieur Zulu qui a trainé avec lui ; beaucoup de murmures. Tout le monde voulait vendre, donc pour eux, le fait que le Roi dise qu’il allait revenir le lendemain, pour eux n’étaient qu’une boutade, une manière polie, diplomatique de partir, mais qu’il n’allait pas revenir. Donc vous voyez bien combien j’étais gêné ce soir. Je suis rentré à la maison, je n’ai pas pu dormir, parce que je me culpabilisais un peu, bien que je savais que ce n’étais pas de ma faute. Le lendemain je retourne au Village des Arts vers 13 heures et vers 15 heures mon téléphone sonne et quelqu’un me dit Monsieur Zulu, Sa Majesté arrive. Alors ça été vraiment un ouf libérateur, parce que je me suis dit il a tenu parole. D’ailleurs, je vais raconter une boutade ; une fois je racontais cela à des amis marocains, qui m’ont dit Monsieur Zulu, un Roi ne ment jamais. Et c’était vrai ; ce Roi était vraiment un Roi très simple, ouvert, sympathique. Et donc ce vendredi, deuxième jour, on fit le reste des Ateliers du Village. Et donc voilà mon premier contact avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Et c’était en novembre 2016 ; en mars 2017, je reçois un coup de fil du Palais Royal de Rabat ; on me demande c’est Monsieur, Zulu M’BAYE ? je dis oui, c’est lui-même. On me dit Sa Majesté vous invite à l’exposition « Afrique » en capital, au Musée qui porte le nom du Roi (Mohammed VI de Rabat). Et cela va être mon deuxième contact avec ce merveilleux personnage et après un séjour relativement court, je rentrais à la maison au Sénégal. Quelques jours après, je reçois un autre coup de fil Sa Majesté m’invitait une deuxième fois au « Festival Mawazine » du Maroc et donc ce fût mon deuxième voyage au Maroc. Et c’est dans ces entrefaites que je vais connaître un peu son entourage culturel, artistique. Cela m’a permis d’avoir des attaches avec beaucoup de personnalités proches du Roi et me permit d’avoir des collaborations sur des Projets culturels. J’ai récemment été invité (30 juillet 2024) par son Excellence l’Ambassadeur du Maroc à Dakar, qui est aussi devenu un ami, un frère ; qui m’implique à chaque fois que le Maroc organise des évènements à Dakar. Voilà, c’est vraiment une heureuse rencontre qui m’a ouvert grandement les portes du Maroc depuis six ans et je suis très souvent au Maroc où je suis invité à des Colloques. Voilà donc ma relation qui reste très forte, très intéressante, très fructueuse avec le Maroc.
A.E : Avez-vous des Projets pour enseigner votre savoir à cette jeunesse africaine ? Si oui, lesquels ?
Je disais plus haut que je ne croyais pas au professeur d’Arts, donc quelle est ma relation avec les Jeunes Artistes ou les gens qui voudraient avoir des connaissances en Art, surtout dans les Arts plastiques, je dois dire que depuis plus de 30-40 ans, je ne cesse d’encadrer, de conseiller, de travailler avec des Jeunes qui voulaient faire de la Peinture. Des Jeunes et des moins Jeunes aussi ; parce que je peux citer le cas du grand cinéaste Moussa Sene ABSA qui peint avec moi depuis plus de 20 ans et qui pense maintenant à exposer à travers le monde. Donc, toute ma vie d’Artiste, je l’ai consacré à créer, aussi former. Je n’aime pas ce mot ; je veux dire accompagner des gens dans leurs travails artistiques et jusqu’à présent je le fais ; c’est comme ça que j’arrive à transmettre mes connaissances, à conseiller des Jeunes, à encadrer, à leur donner ce que j’avais comme expériences ou expertise. Et voilà pour répondre à cette question ; c’est ce que je suis en train de faire et Dieu sait que beaucoup sont passés par moi et qui sont aujourd’hui très connu sur la scène internationale artistique.
A.E : Quel est votre avis sur la question du non visa sur le continent africain ?
Je vous fais la remarque que je ne parle presque jamais de politique. Ce que j’observe en politique est que je considère la politique comme un jeu de cirque, du théâtre. La politique pour moi, se trouve dans mon Art, ma vie, mon attitude de tous les jours.
A.E : Quels sont les pays que vous visez à organiser des expositions ? Pourquoi ?
Je ne cible pas au fait des pays où je dois exposer ou amener des Artistes sénégalais, comme ceux du Village des Arts. Je suis ouvert à tous les Projets et à toutes les propositions. Je cherche aussi à contacter des Organismes culturels ; mais à priori, je n’ai pas de cibles. Le monde est pour moi comme un grand espace d’expositions, une grande galerie et à chaque fois je suis ouvert aux propositions, mais je n’expose pas non plus. J’aime proposer aux Artistes sénégalais que j’ai eu l’honneur de diriger, vraiment des actions culturelles intéressantes, mais surtout pour les rencontres Sud-Sud, parce que depuis toujours nous attendons, nous préférons le volet « exposer » en Europe, aux Etats-Unis ; mais moi je fais partie des Artistes qui aimeraient ou qui préfèrerait un dialogue Sud-Sud, parce que c’est cela l’intégration. Nous devons nous connaître d’abord chez nous, avant de sortir. Je vais donner un exemple ; beaucoup d’Artistes africains je l’ai ai connu à Paris, Bruxelles ou Amsterdam, parce ce que tout simplement nous n’avons pas beaucoup l’occasion de nous rencontrer en Afrique. C’est pour cela que je salue vraiment l’organisation de la Biennale des Arts africain et je considère que si on ne l’avait pas créée, il faudrait vraiment l’inventer. Parce que cela nous permet de nous connaître en Afrique, d’échanger entre frères africains. Ce n’est pas mal aussi de sortir vers les autres, vers le Nord, mais privilégions nos rencontres en Afrique, parce que nous devons nous connaître, nous devons échanger car nous avons beaucoup de choses en commun et cela nous nous en rendons compte à chaque fois que nous nous retrouvons en terre africaine.
A.E : Votre mot de fin à nos lecteurs
Le mot de la fin, je vais le consacrer à mes frères Artistes africains. Je pense que nous avons beaucoup de choses à proposer au monde ; nous africains. Nous avons un génie, un imaginaire tellement fécond, tellement riche, que nous n’avons pas besoin qu’on est en train de le constater aujourd’hui sur le continent, de copier, de mimer ce qui se fait ailleurs, comme pour être dans l’ère du temps. Je vois malheureusement dans le paysage artistique africain que les gens maintenant pour se faire connaître, pour se faire de la visibilité, sont en train de copier ce qui se fait à Tokyo, à Paris, alors donc on est comme si on avait une haine de nous-même, qu’on se minimisait, qu’on n’avait pas confiance en nous et qu’il fallait toujours comme un politique, comme en économie. Je suis d’accord qu’en politique nous n’avons pas beaucoup de force, notre voix ne porte pas beaucoup. En économie nous n’avons pas ; bien sûr qu’il y a un changement qui s’annonce à l’horizon ; et que l’Afrique devient un peu le nombril économique du monde. Mais en culture ce n’est pas le cas. Nous avons les arguments, pour ne pas dire les armes, nous avons ce qu’il faut ou le génie créatif pour aller au concert, au rendez-vous du donner et du recevoir, comme aimait le dire le Président Senghor « Nous avons des choses à présenter et nous devons arrêter de mimer les occidentaux ». Et à chaque fois, c’est une critique que je fais la Biennale de Dakar ; Pourquoi depuis 30 ans je ne participe pas à ces Biennales ; parce qu’il faut aller dans des concepts artistiques qui ne me conviennent pas et que quand tu n’es pas dans ces concepts, tu n’es pas sélectionné. Ok, tant mieux, moi j’ai un combat que je mène, et ce combat m’éloigne beaucoup du mimétisme et que je sais que je peux proposer des choses. Le monde a besoin de voir des choses nouvelles, pas des copies, pas du réchauffé et donc j’appelle mes frères africains à prendre conscience qu’ils peuvent avoir leur place dans le concert mondial artistique et qu’ils doivent croire en eux et arrêter de copier ce qui se fait ailleurs ; nous n’avons pas le droit.
Interview réalisée par Nadège Koffi