Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par l’ensemble des États membres de l’Organisation des Nations Unies en 2015, prévoit de réduire les inégalités et de favoriser l’inclusion sociale et économique des populations afin de permettre à toute personne de vivre dans la dignité.
En Afrique, de nombreux efforts ont été menés en ce sens. Pour autant, les disparités territoriales et sociales continuent de représenter un défi majeur au développement socio-économique du continent. La croissance du Numérique apparaît cependant comme l’un des principaux leviers à la réalisation des ambitions africaines en matière de réduction des inégalités, tout en permettant de renforcer l’inclusion sociale et économique des populations, notamment celles qui sont les plus vulnérables. En favorisant tout particulièrement l’accès aux services et aux marchés, le déploiement à plus large échelle du numérique en Afrique semble ainsi présenter de nombreuses opportunités permettant de renforcer l’inclusion des populations en situation d’exclusion.
Le Numérique, un facteur clé de l’inclusion territoriale
La majeure partie de la population en Afrique vit en zone rurale selon les dernières données de la Banque Mondiale. L’Institution financière internationale estimait en effet que près de 58% de la population vivait en milieu rural sur le continent en 2021. Or, en raison de la faiblesse, voire du manque d’infrastructures, l’accès à la connectivité fait souvent défaut, limitant dès lors l’utilisation optimale et pérenne des services publics de base. L’écart de connectivité entre zones rurales et urbaines en Afrique est considérable, celui-ci étant le plus important au monde. En 2020, dans les territoires ruraux, le taux de pénétration d’Internet n’était que de 16% contre 40% en zone urbaine, selon l’Association Mondiale des Opérateurs de Téléphonie (GSMA). Dans ce contexte, la diffusion et l’utilisation croissante des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur le continent africain depuis plus d’une dizaine d’années sont en mesure de proposer des solutions concrètes favorisant l’inclusion sociale et territoriale. Cette thématique phare pour le développement socio-économique de l’Afrique sera notamment abordée lors des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA), qui se tiendront les 15 et 16 décembre 2022 à Genève. En effet, divers panels s’interrogeront sur l’inclusion des femmes et des jeunes, des populations souvent considérées comme vulnérables, notamment dans les zones rurales, grâce aux Nouvelles Technologies. L’objectif de ces débats et échanges consistera notamment à montrer que TIC et inclusion vont de pair et sont porteurs d’un pari gagnant pour l’avenir du continent africain.
L’arrivée du Numérique dans les zones reculées est, en effet, synonyme de nombreuses opportunités. Il permet, tout d’abord, de réduire les inégalités d’accès à l’éducation, un prérequis pourtant nécessaire et essentiel à la croissance de l’économie africaine. Pour ne citer que l’Afrique subsaharienne, pendant la pandémie de la COVID-19, près de 9/10 n’avaient pas accès à Internet, la situation étant d’autant plus préjudiciable pour les filles. Des millions d’enfants se sont alors retrouvés démunis de tout accès à l’enseignement. Ainsi, en permettant aux habitants de ces régions d’avoir accès à des plateformes de formation à distance, les Technologies Numériques ont pu montrer leur rôle salvateur en termes d’inclusion sociale.
Le déploiement de telles initiatives est en partie le fait du Secteur Privé, en témoigne le développement rapide des EdTech, ces Entreprises qui mettent les TIC au service de l’apprentissage. Assurer une continuité pédagogique, notamment depuis la crise sanitaire, s’est imposée comme une nécessité pour bon nombre d’acteurs, publics comme privés, opérant sur le continent. Conscient que l’Education est un bien public mondial, le géant chinois des Télécommunications Huawei a récemment lancé en Éthiopie le projet DigiTruck, en collaboration avec le Ministère de l’Éducation. A travers celui-ci, les étudiants vivant en zones rurales pourront alors bénéficier d’une formation aux Technologies Numériques, permettant de surcroît d’accroître l’inclusion numérique sur le continent. Ceci est un enjeu d’autant plus important que l’Economie Numérique se développe à grande vitesse en Afrique. Selon un rapport publié en 2020, l’Economie Numérique aurait, en effet, le potentiel de générer 180 milliards de dollars d’ici 2025 et atteindre 712 milliards de dollars d’ici 2050.
Les enjeux sociaux et économiques de l’inclusion numérique dans les zones rurales
Tendre vers une croissance inclusive et durable, tel est l’objectif que se sont les gouvernements africains. Pour cela, il est essentiel de rendre le Numérique accessible à tout un chacun, tout en démocratisant les compétences nécessaires à une utilisation optimale des Nouvelles Technologies. C’est seulement en agissant de la sorte qu’il sera possible de faire des TIC un levier de l’insertion sociale et économique des populations, notamment celles vivant en zone rurale.
Prenons tout d’abord l’exemple de l’économie informelle. Si les chiffres sous-estiment souvent la réalité, une étude présentée par la Banque Mondiale en mai 2021 souligne toutefois que l’emploi souterrain représente en moyenne 36% du PIB en Afrique subsaharienne et 22% en Afrique du Nord. Frein au développement d’une croissance inclusive indispensable, l’économie grise frappe essentiellement les Femmes et les Jeunes, dont l’accès aux services dits de base se retrouvent limités en raison d’un faible accès aux infrastructures, de transport d’une part, Numériques de l’autre. Pourtant, afin de pouvoir aider les acteurs de l’économie souterraine à formaliser et structurer leurs activités, le Numérique peut jouer un rôle clé. En dotant les populations de compétences et d’outils numériques adaptés à leurs Projets, il serait ainsi possible de les accompagner dans le développement de ces derniers. Les solutions numériques pourraient par exemple aider les femmes à développer leurs entreprises, leur permettant ainsi de créer de nouveaux services et produits, répondant à une demande plus large, tout en leur offrant la possibilité d’accéder à de nouveaux marchés. Si l’Afrique compte 24% de Femmes entrepreneures et s’impose comme le 1er continent en termes d’Entrepreneuriat Féminin, moins de 30% des Femmes Entrepreneures en Afrique exercent des professions en rapport avec le secteur des Nouvelles Technologies, selon le rapport mondial sur l’écart entre les sexes 2020 du Forum Économique Mondial.
Dans cette optique, il est plus qu’urgent de combler la fracture numérique liée au genre, une étude de l’UIT publiée en 2020 ayant souligné que la proportion de Femmes utilisant Internet était inférieure de 12% à celle des hommes en Afrique. Pourtant, l’utilisation des outils numériques permettraient aux Femmes de multiplier leur potentiel économique et de s’imposer comme des actrices centrales de la croissance en Afrique. Ceci est d’autant plus vrai que l’accès aux TIC serait susceptible d’engendrer une augmentation des revenus par habitant de 20% d’ici à 2030 selon une étude de la GSMA. Dans ce contexte, il est crucial de former les Femmes aux Technologies Numériques, ceci afin de répondre aux grandes mutations de notre monde, mais également afin de leur permettre d’être des actrices à part entière de leur pays et in extenso,du continent. Nombreux sont les acteurs, tant privés que publics, à saisir le bénéfice crucial que représente la formation aux Nouvelles Technologies. Le Partenariat mené en 2020 entre DYNEXAFRICA, Organisation caritative féminine ivoirienne, et l’Entreprise Huawei s’inscrit dans cette optique. L’objectif consistait à offrir aux jeunes femmes vivant en zones rurales une formation professionnelle liée aux Sciences, aux Technologies et à l’Ingénierie de l’information. Plus de 1.000 Femmes ont pu bénéficier de cette belle opportunité. Leur inclusion dans l’économie réelle est ainsi gage de leur autonomisation professionnelle et de factosociale.
Dans une tout autre optique, le Numérique peut également être mis au service de l’inclusion financière en Afrique, notamment dans les zones reculées caractérisées par un faible accès à la connectivité. Or, il est communément admis que tout économie se développe par l’intermédiaire de services financiers et surtout de l’accès aux crédits. Alors que 57% de la population n’avait toujours pas recours aux services bancaires traditionnels en 2021, l’arrivée du mobile money dans les zones reculées a progressivement permis d’accélérer la bancarisation de l’Afrique. Parmi les acteurs de ce bouleversement, fintechs, opérateurs et équipementiers télécoms jouent un rôle clé. Tous sont conscients qu’en leur offrant un grand nombre de possibilités de paiement et de financement des dépenses du quotidien, les populations peuvent donc améliorer leurs conditions de vie.
L’opérateur kenyan Safaricom a ainsi développé une plateforme de paiement mobile du nom de M-Pesa. Le marché du Mobile Money ne cesse de croître sur le continent ainsi que l’illustre un rapport publié le 27 octobre 2022 par les Opérateurs télécoms Vodafone, Vodacom et Safaricom en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Le Kenya a notamment été mis au cœur de cette étude, les modélisations réalisées par les auteurs ont notamment souligné que le PIB du pays était de 84 milliards de dollars en 2019, grâce au mobile money. Sans le déploiement effectif de cette Technologie, notamment par Safaricom et de sa solution d’e-paiement, il n’aurait été que de 76 milliards de dollars. Par ailleurs, au Kenya et en Tanzanie, un sondage a souligné que 39% des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir eu accès à des services financiers avant le déploiement de la solution M-Pesa. Cette proportion des exclus du système financier était particulièrement élevée dans certaines catégories sociales, parmi lesquelles les populations vivant en zone rurale (49%). Ainsi, outre être un important vecteur de croissance économique et de réduction de la pauvreté, le Mobile Money a avant tout permis à ses utilisateurs de ne plus être exclus du système financier, à la fois traditionnel et digital, et dès lors de bénéficier des opportunités offertes par le numérique.
Si la fracture Numérique est encore bel et bien présente, le déploiement progressif des Nouvelles Technologies s’accompagne parallèlement d’une volonté de lutter contre ces disparités, qu’elles soient territoriales, sociales ou encore économiques.
Notons qu’afin que Numérique rime avec inclusion, acteurs publics et privés doivent se mobiliser et agir de concert par la mise en place de Projets communs, mais également par l’établissement de politiques publiques visant à faire de l’inclusion sur le continent africain la clé du développement socio-économique.
Nadège Koffi