Homme d’affaires malien, M. Mossadeck BALLY est né le 27 août 1961 à Niamey au Niger. Ayant commencé ses études avant de poursuivre dans son pays d’origine, le Mali, puis en France où il a pris une série de Baccalauréat à Marseille et enfin aux États-Unis ; il obtient un Master. Diplôme en gestion / finance de l’Université de San Francisco (Californie), M. Bally a plus d’un quart de siècle d’expérience professionnelle et possède une solide formation familiale, scolaire et universitaire. Mossadeck BALLY est le Fondateur de la chaîne hôtelière Azalaï qui est aujourd’hui présente au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Bénin et bientôt dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Azalaï est l’une des rares chaînes hôtelières 100% africaines implantées sur le continent. L’aventure de l’homme d’affaires dans l’hôtellerie débute en 1993 avec le rachat du Grand Hôtel de Bamako mis en vente par le Gouvernement malien. Pour mener à bien cette activité, le PDG du Groupe Azalaï qui ne disposait que d’une dizaine de millions d’euros pour le Projet, a dû bénéficier de la confiance de sa banque, qui a accepté de lui prêter la somme d’un milliard de francs CFA. Homme de principes et engagé à faire de son pays le Mali, un pays attractif aux investisseurs nationaux et étrangers, mais surtout donner l’opportunité à la jeunesse d’obtenir un emploi décent, qu’il s’est proposé comme candidat à la tête du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) et a été élu le 01 octobre 2022 comme nouveau Président du Patronat malien. Présent à Abidjan pour la 10ème édition de la CGECI Academy et de la Rencontre des Entrepreneurs Francophones (REF) tenue du 27 au 28 octobre 2022, notre site www.afriqueeconomie.net a voulu savoir les actions auxquelles le nouveau Président du Patronat malien travaillera durant son mandat et aussi connaître sa position sur la crise profonde que traverse le Mali.
A.E : Elu à la tête du Patronat malien depuis bientôt un mois, pouvons-nous savoir quels seront les chantiers à réaliser durant votre mandat ?
Un nouveau bureau, des élections qui ont eu lieu le 01 octobre 2022 et ce nouveau bureau a pris fonction et a commencé à travailler ; nous avons décidé de consacrer notre mandature de cinq ans à cinq axes stratégiques de travail. Le Premier est l’Energie, parce ce que le grand défi de l’Afrique c’est de s’industrialiser et c’est en s’industrialisant que l’on va créer des millions d’emplois sur le continent africain, pour faire face à la poussée démographique et aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail ; or, sans Energie on ne peut pas s’industrialiser. Le deuxième axe stratégique c’est les Ressources Humaines de qualité ; il y a une très forte inadéquation sur notre continent et notamment au Mali, entre la formation que reçoive les Jeunes et les emplois qui sont créés par nos économies ; nous souhaitons que cela soit corrigé. Le troisième axe stratégique de travail de notre bureau va porter sur tout ce qui est Infrastructures de désenclavement, parce ce que le Mali est un pays enclavé et nous sommes au milieu de sept pays et nous avons sept frontières et on n’a pas de littoral maritime, donc pour faciliter le commerce, il nous faut des Infrastructures et un désenclavement. Le quatrième axe stratégique portera sur la Fiscalité ; nous avons une injustice fiscale au Mali, dans la mesure où très peu d’Entreprises paient des impôts ; et donc il y a un secteur informel qui est hypertrophié et qui par nature échappe à toute fiscalité. Nous souhaitons que cela soit corrigé dans les plus brefs délais et le cinquième et dernier axe est le Financement de l’économie. Nous savons que pour avoir de l’Energie il faut des financements ; pour former les Jeunes il nous faut des financements ; pour avoir les Infrastructures, il faut du financement ; donc c’est un sujet aussi qui est important. Voilà les cinq axes stratégiques de travail de ce nouveau bureau du CNPM qui a été élu le 01 octobre 2022.
A.E : En tant que Président du Patronat malien, pouvez-vous nous dire quelles sont les difficultés que traversent les Entreprises maliennes ?
Vous savez le Mali est installé dans une crise très profonde depuis plus d’une décennie maintenant. La crise sécuritaire, avec tout le Nord qui a été occupé en 2012 ; Dieu merci qui a été libérée. Crise institutionnelle, avec les trois coups d’Etat (2012, 2020 et 2021) ; crise sanitaire avec la pandémie qui a duré plus de deux ans ; crise sous régionale, avec l’embargo injuste qui nous a été imposé pendant plus de six mois, qui a mis en mal notre économie, nos finances publiques. Et puis, la crise mondiale aujourd’hui issue de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ; donc vous voyez cela fait beaucoup. Et d’ailleurs, parfois on s’étonne que le Mali ne soit pas plus mal qu’il est aujourd’hui, simplement parce ce que les Entrepreneurs sont résilients, les maliens sont résilients et on trouve des solutions à ces crises. Alors bien-sûre il faut sortir maintenant de ces crises ; nous espérons que la crise institutionnelle sera résolue définitivement avec les élections qui sont en train d’être préparées et qui vont se terminer avec l’élection présidentielle en mars 2024. Nous espérons que la crise sécuritaire aussi petit à petit va se résolver et cela prendra énormément de temps ; cela prendra des années encore parce ce qu’on ne règle pas une crise sécuritaire profonde en quelques semaines ou en quelques mois ; nous espérons aussi que la Russie et l’Ukraine trouveront un accord ; un cessez le feu sera signé pour que l’impact économique que le monde entier vit aujourd’hui soit maîtrisé ; donc voilà ce sont des crises profondes, très difficiles, très dures, mais le peuple malien reste confiant, reste résilient.
A.E : Quelle est votre analyse sur la position de la CEDEAO face à la crise malienne ?
Ecoutez ! là ce n’est plus le Président du CNPM qui vous parle, mais c’est le citoyen malien. Je pense que la CEDEAO se doit d’accompagner les pays qui sont dans les difficultés comme le Mali ; alors bien-sûre qu’il y a des principes. Le Mali est un membre fondateur de la CEDEAO ; nous avons signé le traité de la CEDEAO et nous avons signé tous les protocoles additionnels de la CEDEAO ; donc en tant que pays membre, nous nous devons de respecter ce que nous-mêmes nous avons signés ; honorés nos signatures, mais par contre ce qui s’est passé sortait totalement du traité, du protocole. Il est écrit nulle part dans les traités de la CEDEAO, qu’on pouvait sanctionner un pays en fermant ses frontières ; il est écrit nulle part dans le traité qu’on pouvait sanctionner un pays en lui coupant ses réserves. Des réserves qui lui appartiennent ; je pense que cet embargo n’avait pas lieu d’être ; c’est un embargo très dure ; un embargo qui nous a beaucoup affecté économiquement et surtout c’est un embargo qui était totalement illégal parce ce que c’est un embargo qui ne respecte aucune disposition statutaire ou règlementaire de la CEDEAO. Donc voilà mon avis, mon analyse de citoyen malien ; j’espère que la CEDEAO va en tirer les leçons pour qu’à l’avenir s’il y a ce genre de crise, que la CEDEAO elle-même respecte ses statuts et ses protocoles et son dispositif. Mais cela est derrière nous maintenant ; Dieu merci il y a eu un accord et tout ceci a été levé et donc à nous maintenant malien d’aller de l’avant, de régler ce problème institutionnel qui nous a emmené à cet embargo et organiser les élections.
A.E : Présent à cette 10ème édition de la CGECI Academy et de la REF qui s’est tenue du 27 au 28 octobre 2022 à Abidjan, quelles ont été les résolutions prises au cours de vos échanges ?
Ecoutez ! L’appel que nous souhaitons lancer et que nous avons discuté durant deux jours, c’est d’avoir une économie africaine intégrée ; le commerce intra-africain c’est environ 15% ; le commerce intra-européen c’est plus de 60% ; le commerce intra-asiatique, intra-américain c’est plus de 60% ; il est vraiment temps que l’Afrique soit un continent avec des frontières pouvant disparaître pour qu’on puisse commercer entre nous ; pour qu’on puisse se déplacer. Aujourd’hui en tant que malien, j’ai besoin de visa pour aller dans un autre pays ; ce qui n’est pas normal ; donc ce sont ces genres de messages que nous voulons lancer à nos politiques, à nos gouvernements. Décloisonnons l’Afrique ; ouvrons l’économie africaine, levons les barrières ; qu’elles soient administratives, financières, politiques terrestres, aériennes ; levons tout cela. C’est quand même le continent du présent et du futur ; c’est 1 milliard 4 de consommateurs ; c’est le seul continent à ne pas être développé ; les besoins sont énormes ; donc c’est une opportunité fantastique d’abord pour nous les africains, mais aussi pour les autres qui peuvent venir investir. Donc la CGECI couplée à la REF, nous avons encore des Entrepreneurs francophones ; le message essentiel c’est commercer entre nous, faisons tomber les barrières, faisons avancer la ZLECAf parce ce que le Mali tout seul ne peut pas se développer ; la Côte d’Ivoire toute seule ne peut pas se développer ; on est trop petit ; des petits marchés ; nous sommes trop petits. Par contre, l’Afrique en tant que continent avec son milliard 4 d’habitants aujourd’hui et plus de 2 milliards dans 30-40 ans, avec ses formidables richesses, avec sa population qui est jeune à plus de 70% ; c’est une opportunité fantastique ; mais pour cela il faut que nous soyons décloisonnés. Cela me fait toujours mal quand on me dit l’Afrique c’est 54 pays ; on devrait être un continent intégré comme l’on fait les européens qui ont cassé les barrières et qui ont mis en place l’Union Européenne (UE) ; nous pouvons faire la même chose.
A.E : Votre mot de fin à nos lecteurs
Mon mot de fin c’est de remercier la CGECI, le Président Jean-Marie ACKAH et toute son équipe de nous avoir invité à participer non seulement à la CGECI Academy, mais aussi à la REF. Les féliciter pour l’excellent travail ; ces deux évènements qui ont attiré beaucoup de monde et dire aussi que le Patronat malien est de retour. Nous avons traversé une crise très profonde, Dieu merci elle est derrière nous ; il y a un bureau consensuel qui a été élu avec plus de 90% des voix et nous avons faire cette diplomatie économique pour disons parler des choses qui marchent aussi au Mali ; parce ce que beaucoup de choses qui marchent, il n’y a pas que des crises et puis lancer un appel à tous les africains pour que nous décloisonnons notre continent pour avoir un seul marché unique africain. C’est la seule voix pour nous de nous développer.
Interview réalisée par Nadège Koffi