Environ 60 à 80 millions de personnes en situation de handicap vivent en Afrique (OMS, BM 2011). La plupart d’entre elles vivent dans la pauvreté et sont exclues du monde du travail et des études. L’inclusion des africains en situation de handicap doit être renforcée dans tous les secteurs de la vie communautaire afin de protéger et de promouvoir leurs droits fondamentaux. Les personnes en situation de handicap doivent être incluses dans la société et doivent avoir l’occasion d’exprimer leurs opinions, mais aussi de gagner des expériences et des connaissances dans beaucoup de domaines. Elles ne sont pas seulement intéressées par des questions liées au handicap.
Définition du Handicap
Personnes dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet d’une maladie ou d’un accident, en sorte que leur autonomie, leur aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi, s’en trouvent compromises (Loi n98-594 du 10 novembre 1998 d’orientation en faveur des personnes handicapées, article1er).
L’expression personne handicapée désigne toute personne dont les perspectives de trouver et de conserver un emploi convenable ainsi que de progresser professionnellement sont sensiblement réduites à la suite d’un handicap physique ou mental dûment reconnu (OIT, Convention n159 concernant la réadaptation professionnelle et l’emploi des PH, article1, 1983).
Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres (CDPH, article 1, 2006).
Typologie de handicap
L’on parle de handicap ou personne en situation de handicap, quand cela peut-être un handicap moteur ; sensoriel ; mental ; psychique ; cognitif ; invalidante ; polyhandicap ; plurihandicap ; surhandicap.
Politique locale sur le handicap : cas de la Côte d’Ivoire
Selon une Communication faite par le Président de la FAHCI, ancien Secrétaire d’Etat ivoirien, chargé des Personnes Handicapées, Expert en Handicap et Inadaptation, Raphaël DOGO, au cours d’un atelier de formation initié par Internews, du 31 septembre au 02 août 2021 à Abidjan (Côte d’Ivoire-Afrique de l’Ouest), il est dénombré environ 620.639 personnes handicapées en Côte d’Ivoire, soit 2,74% de la population nationale, loin derrière la moyenne mondiale qui est de 15% (Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014) ; 49% des personnes handicapées sont sans-emploi en Côte d’Ivoire.
Ajoutant que toute vraisemblance et tenant compte du taux de handicaps invisibles estimé à 80%, la population handicapée en Côte d’Ivoire à près de 3 millions de personnes, tous types de handicap confondus, sur une population nationale de 22,65 millions d’habitants ; ce qui confirme que le nombre des personnes handicapées en Côte d’Ivoire est également en nette augmentation.
Les Personnes handicapées et l’Emploi en Côte d’Ivoire : Constats et Cadre légal
Selon l’Expert ivoirien Raphaël DOGO, le taux d’activité est plus faible pour les personnes handicapées en Côte d’Ivoire. Du rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), quelque 386 millions de personnes en âge de travailler sont handicapées. Une étude comparative sur huit régions géographiques montre que le ratio emploi-population en âge de travailler (REP) pour les personnes handicapées âgées de 15 ans et plus est de 36% en moyenne, tandis que le REP pour les personnes non handicapées est de 60%. L’écart est plus important pour des régions comme le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Les femmes sont confrontées à d’énormes obstacles comportementaux, physiques et informationnels pour l’égalité des chances dans le monde du travail. En Afrique du Nord et en Asie occidentale, elles ont par exemple cinq fois moins de chances d’être employées que les hommes non handicapés. D’après un récent rapport de l’OIT, deux milliards de personnes occupent un emploi informel, la plupart d’entre eux dans les pays émergents et les pays en développement. De ce fait, en comparaison avec le reste de la population, les personnes handicapées sont davantage touchées par la pauvreté : 82% des personnes handicapées vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un dollar par jour et la plupart d’entre elles vivent dans les pays en développement. En Côte d’Ivoire, une étude menée par l’ex-AGEPE en 2006 dans le cadre de l’enquête « Niveau de vie des ménages » a montré que sur 153.443 handicapés actifs, environ 49% étaient sans emploi, soit un taux de plus de 3 fois supérieur à la moyenne nationale (13%). Cette étude a également montré que les handicapés actifs sont en général issus de couches sociales très modestes. Majoritairement à la recherche du premier emploi (66%), ils sont également des chômeurs de longue durée (74% d’entre eux ont une durée de chômage comprise entre 3 et 15 ans). Les plus exposés sont ceux qui ont un handicap visuel ou auditif, et 86% d’entre eux sont soit des demandeurs de premier emploi, soit des chômeurs de longue durée. Toujours en Côte d’Ivoire, on note que 98% des Entreprises du secteur Privé assujetties à l’obligation d’emploi instituée par le décret n° 2018-456 du 9 mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur Privé, ne respectent pas l’obligation réglementaire de 1 à 2% d’emploi de travailleurs handicapés, en raison des réticences des employeurs à embaucher des personnes handicapées.
En effet, les barrières liées à l’emploi sont multiples notamment l’accès à la formation (les personnes handicapées sont souvent mises à l’écart des systèmes ordinaires d’éducation et de formation, en raison des préjugés, du manque d’aménagements, de la pauvreté ou parce qu’elles n’ont pas le prérequis pour rentrer dans les dispositifs formels d’éducation) ; un accès limité au travail salarié (une des alternatives proposées en Côte d’Ivoire est l’institution du recrutement dérogatoire des personnes handicapées à la fonction publique Ivoirienne qui a permis l’insertion effective de plus de 1300 travailleurs handicapés dans le secteur Public de 1997 à nos jours) ; les préjugés sur les capacités des personnes handicapées (ces préjugés peuvent également conduire à associer certains handicaps à certains types d’emplois, et à l’inverse certains métiers sont inaccessibles aux personnes handicapées car considérés comme trop dangereux : domaine de la Construction) ; l’accessibilité des Infrastructures publiques, des Transports et des Services.
Par ailleurs, des politiques et stratégies pour l’inclusion des personnes handicapées ont été adoptées au niveau International ; nous avons la Stratégie des Nations-Unies pour l’inclusion du handicap qui offre une base devant favoriser l’accomplissement de progrès durables et de transformations dans la prise en compte de la question du handicap dans toutes les composantes de l’action de l’ONU, notamment l’OIT et le PAM. Elle vise à créer un cadre institutionnel favorisant l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, entre autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que la réalisation des engagements pris en faveur du développement et de l’action humanitaire.
Au niveau national, depuis 2008, où un document officiel de politique nationale en faveur des personnes handicapées, élaboré par le Gouvernement ivoirien, sous la houlette du Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires sociales et d’autres lois ont pu être élaborées, rien n’a été fait pour les personnes handicapées.
Apport des personnes handicapées, dans le développement économique de la Côte d’Ivoire
Il est important de créer un environnement socioculturel favorable à l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’exclusion à l’égard des personnes handicapées ; cela passe impérativement par la promotion de l’insertion professionnelle des personnes handicapées (cela suppose qu’il faut reconnaître que les personnes handicapées sont une ressource précieuse et combattre la discrimination exercée à leur endroit en matière d’emploi mais aussi créer des emplois en grand nombre.
La Côte d’Ivoire peut être fière de quelques personnes handicapées qui ont su présenter une image positive et contributoire, à l’apport dans son développement économique. L’on peut citer entre autres dans divers secteurs d’activités, le Président de la FAHCI, ancien Secrétaire d’Etat ivoirien, chargé des Personnes Handicapées, Expert en Handicap et Inadaptation, Raphaël DOGO, le Sportif de haut niveau (para Haltérophilie – de 65 kg), Ano Hervé ADOU, avec à son actif 18 médailles dans le Sport (détenu en 2009 le record africain au lancé de Poids, qualifié pour Tokyo 2020 avec une charge de 168kg et à Tokyo, finaliste et terminé 5ème avec une charge de 160 kg), Brigitte MENSAH, Avocate ivoirienne inscrite au Barreau de Côte d’Ivoire ; elle est aveugle atypique car elle est aveugle à la suite d’une Méningite cérébrale où Mme MENSAH a perdu la vue ; femme très engagée, avec une idéologie qui encourage à la persévérance et à rester positive, toutes ces personnes handicapées démontrent qu’on peut avoir un handicap et contribuer au développement économique de son pays.
Des doléances pour une meilleure prise en charge des personnes handicapées en Côte d’Ivoire
A l’instar de nombreux pays en voie de développement, cette population handicapée se trouve fortement marginalisée et ne participe que très peu à la vie socio-économique du pays. En butte à de nombreuses discriminations et de représentations culturelles négatives, les personnes en situation de handicap continuent de ne pas jouir dans les faits des mêmes Droits que les autres catégories de personnes en Côte d’Ivoire où l’accès à l’Education, au marché du Travail, à la Justice et à la Santé sont difficiles. Du point de vue de la vulnérabilité, les femmes handicapées sont les plus exposées au chômage, aux violences physiques et sexuelles, tandis que 98% des enfants handicapés n’ont pas accès à l’Education.
Le dispositif législatif et réglementaire ivoirien en faveur des travailleurs handicapés, quasi méconnu et peu suivi, comprend notamment la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 qui proclame son adhésion aux principaux traités internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie, et consacre de façon spécifique la Protection et la Promotion des PSH à travers les articles 32 et 33. L’article 32 dispose que « L’Etat s’engage à garantir les besoins spécifiques des personnes vulnérables. Il prend les mesures nécessaires pour prévenir la vulnérabilité des enfants, des femmes, des mères, des personnes âgées et des PSH. Il s’engage à garantir l’accès des personnes vulnérables aux services de santé, à l’éducation, à l’emploi, à la culture, aux sports et aux loisirs » L’article 33 stipule que « L’Etat et les collectivités publiques protègent les PSH contre toute forme de discrimination. Ils promeuvent leur intégration par la facilitation de leur accès à tous les services publics et privés. L’Etat et les collectivités publiques assurent la protection des PSH contre toute forme d’avilissement. Ils garantissent leurs droits dans les domaines éducatif, médical et économique ainsi que dans les domaines des sports et des loisirs ».
La Convention n°159 concernant la Réadaptation Professionnelle et l’Emploi des personnes handicapées, adoptée par la Conférence Générale de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le 20 juin 1983 à Genève, ratifiée par la République de Côte d’Ivoire par décret n° 99-368 du 08 mai 1999 ; la Convention des Nations-Unies relative aux Droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006, ratifiée par la République de Côte d’Ivoire le 10 janvier 2014, notamment son article 4 ; la loi n° 98-594 du 10 novembre 1998 d’Orientation en faveur des Personnes handicapées qui fait de la prévention et du dépistage du handicap, les soins, l’Education, la Formation, l’Emploi, la Garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès au sport une obligation nationale. Malheureusement, elle n’a jamais pu être appliquée à ce jour faute de décrets d’application ; le Code général des Impôts qui prescrit que l’insertion professionnelle des personnes handicapées physiques ou intellectuelles constitue un axe majeur de la politique sociale du Gouvernement, mais les mesures fiscales adoptées en vue d’accroître les offres d’emplois ne visent pas de façon spécifique cette catégorie de personnes qui ne sont pas privilégiées dans les recrutements par les Entreprises. Afin d’inciter les employeurs à recruter des personnes présentant un handicap physique ou intellectuel, conformément à l’article 12 de la Loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant nouveau Code du Travail, il est proposé de porter les crédits d’impôt par ivoirien embauché de 1.000.000 de FCFA à 1.500.000 FCFA pour les Entreprises soumises à l’impôt sur les bénéfices et de 250.000 à 500.000 FCFA, en ce qui concerne les Entreprises relevant de l’impôt synthétique lorsque celles-ci établissent des contrats d’embauche pour ces personnes. Cette mesure modifie l’article 111 du CGI. L’article 961 alinéa 5 du CGI lui, stipule que : « Par dérogation aux dispositions des articles 910 et 911 du présent code, sont exemptés de la taxe… les véhicules possédés par les mutilés de guerre et les infirmes servant exclusivement à leur usage » En terme plus simple, les personnes en situation de handicap ne payent pas la vignette automobile.
En ce qui concerne la loi n° 99-477 du 2 août 1999 portant Code de prévoyance sociale qui dispose en son article 80 alinéas 3, 4 et 5 que : « Les prestations accordées aux bénéficiaires du présent titre comprennent, qu’il y ait ou non interruption de travail ; la fourniture, la réparation et le renouvellement des appareils de prothèse et d’orthopédie nécessités par l’infirmité résultant de l’accident et reconnus indispensables soit par le médecin, soit par la commission d’appareillage ainsi que la réparation et le remplacement de ceux que l’accident a rendu inutilisables ; la couverture des frais de transport de la victime à sa résidence habituelle, au centre médical interentreprises ou à la formation sanitaire ou à l’établissement hospitalier » ; d’une façon générale, la prise en charge des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime.
A l’exception des soins de première urgence qui sont à la charge de l’employeur dans les conditions fixées par l’article 73 ci-dessus, ces prestations sont supportées par la CNPS qui en verse directement le montant aux praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et aux formations sanitaires publiques, établissements hospitaliers, centres médicaux d’entreprise ou interentreprises. Toutefois, les frais de transport peuvent donner lieu à remboursement à la victime. Par victime, il faut entendre l’accidenté de travail, donc l’accidenté handicapé. La loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail, en ses articles 12.1, 12.2 et 12.3 nouveaux, encadre le travail des PSH1 : Article 12.1 : « Est considéré comme PSH toute personne physique dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée soit congénitalement, soit sous l’effet d’une maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi, s’en trouvent compromises. Il s’agit d’une personne présentant l’un ou les handicaps suivants : – handicap physique – handicap intellectuel » Article 12.2 : « L’employeur doit réserver un quota d’emplois aux PSH possédant la qualification professionnelle requise » Article 12.3 : « Un décret détermine les modalités d’application du présent chapitre » De même, l’article 16.9 alinéa 5 du même code dispose que : « Au cas où après consolidation de la blessure, le travailleur accidenté du travail ne serait plus à même de reprendre son service et de l’assurer dans des conditions normales, l’employeur cherchera avec les délégués du personnel de son établissement la possibilité de reclasser l’intéressé dans un autre emploi » Ce dernier article concerne l’exécution du contrat de travail dans le cadre du reclassement d’un employé accidenté de travail. La Convention Collective interprofessionnelle du 19 juillet 1977 en son article 31 alinéa 2 relatif au reclassement de l’accidenté de travail précise que : « Au cas où après une consolidation de la blessure, le travailleur accidenté de travail ne serait plus à même de reprendre son service et de l’assurer dans les conditions normales, l’employeur cherchera avec les délégués du personnel de son établissement la possibilité de reclasser l’intéressé dans un autre emploi ». Le décret n° 2018-456 du 9 mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap dans le Secteur Privé : elle institue un quota d’embauche de 1 à 2% de l’effectif des salariés des entreprises du secteur privé, puis crée le Fonds d’Insertion des personnes en situation de handicap (non encore mis en œuvre).
Il est aujourd’hui difficile d’obtenir des statistiques exactes, notamment comparées, sur le nombre de personnes handicapées et sur la réalité de leur inclusion dans les activités de la société. La collecte de données fiables et comparables au niveau international rencontre plusieurs obstacles, notamment l’invisibilité du handicap qui représente en moyenne 80% de la population handicapée. Le nombre des personnes handicapées est donc en nette augmentation dans le monde, fort de ce rapport, qu’il est primordial et urgent d’avoir un regard très particulier et concret sur la situation des personnes handicapées, par nos Dirigeants, Institutions Internationales, personnes lambda, etc, car nous devons tous avoir les mêmes chances dans la société.
Nadège Koffi