Idrissa KONTÉ, malien vivant actuellement à Paris est le Fondateur d’Afrilangues, une plateforme dédiée à la promotion des langues et cultures africaines à travers des langues, l’édition, un service de traduction et d’Interprétariat.
Dans une interview accordée au site www.afriqueeconomie.net , le Fondateur d’Afrilangues nous parle de ce Projet qui a débuté en septembre 2014, avec comme vision de montrer que les langues africaines représentent notre façon de vivre, penser, conceptualiser le monde qui nous entoure. Pour lui, l’africanité est une bonne chose, car elle permet aux africains de puiser dans cet état d’esprit pour trouver leur place dans le monde d’aujourd’hui et de demain.
A.E : Quelle est votre parcours professionnel et universitaire ?
S’agissant de mon parcours universitaire, j’ai fait la première partie de mes études à l’Université de Bamako avant de venir en France en 2009. Je suis titulaire d’une Licence Mandingue (Bambara) obtenue à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) de Paris et d’une Maîtrise LLCER Anglais obtenue à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3. Pour ma Licence Mandingue, malheureusement, il m’était impossible de faire un tel parcours dans l’une de mes langues maternelles (bambara et soninké) chez moi au Mali. Aussi, grâce au Projet « Afrilangues », j’ai développé de nouvelles compétences dans l’Ingénierie pédagogique Multimédia et je dispose de plusieurs certificats de formation à mon actif dans ce domaine que je trouve passionnant et nécessaire pour faire exister et faire vivre les langues africaines numériquement. Quant à mon parcours professionnel, j’ai commencé comme Agent d’entretien puis Assistant d’éducation. Mais depuis 2014, je travaille comme Interprète-Traducteur auprès d’Associations, d’Hôpitaux, de Centres médico-psychologiques de Tribunaux, etc.
A.E : Qu’est-ce qui a motivé à lancer ce Projet de l’apprentissage des langues africaines ?
Afrilangues a été créée en partant d’un simple constat, celui de la quasi inexistence d’Organismes de formation ou de plateformes d’apprentissage de langues africaines proposant un véritable parcours de formation avec une méthode de langue. En 2012, je donnais des cours de Bambara dans le cadre d’un Projet culturel de l’Association « EthnoArt ». Je recevais de nombreuses demandes de personnes voulant intégrer nos cours de Bambara en milieu d’année à défaut de leur recommander un Organisme de formation. Afin d’apporter mon aide à celles-ci, j’ai mené quelques recherches rapides sur internet mais malheureusement, je ne tombais que sur des forums sur lesquels on ne pouvait trouver que quelques expressions ou mots. C’est partant de cela que j’ai décidé de créer « Afrilangues ». J’ai tout de suite été rejoint par mes camarades de fac notamment, Mariam BAH, Azani Juma-PILI, Abdoulaye SY et Marie Le Brun de SURVILLE.
A.E : Expliquez-nous comment se présente le Projet ?
Nous proposons des cours en présentiel, des cours en ligne (E-learning) et des cours par visioconférence. Nous proposons principalement des cours de Bambara, de Soninké, de Lingala, Wolof, Fongbe, Pulaar etc. Toute personne souhaitant apprendre une langue africaine peut se rendre sur : https://www.afrilangues.com/ ; Apple store: https://apps.apple.com/fr/app/afrilangues-officiel/id1511912820; Play store: https://play.google.com/store/apps/details?id=com.afrilangues.app
Une fois sur notre plateforme, il suffit de créer un compte, choisir une langue et apprendre gratuitement en auto-apprentissage à son rythme, partout et à tout moment. Notre méthode est simple et ludique, l’utilisateur a accès à plusieurs thèmes. Chaque thème comprend plusieurs leçons traitées de façon ludique et approfondie. Chaque leçon contient :
Introduction : qui indique les objectifs de la leçon
Vocabulaire : permet d’apprendre les mots de la leçon
Phrases : permet de construire des phrases avec les mots appris dans le vocabulaire
Dialogue : permet de construire des dialogues avec les phrases apprises
Grammaire : apprendre le fonctionnement de la langue
Lexique thématique : permet d’approfondir son vocabulaire
En plus des cours de langues africaines, de l’édition, Afrilangues propose un service de traduction et d’interprétariat.
A.E : Avez-vous reçu des Prix ? Si oui, lesquels ?
À ce jour, non car jusque-là, nous nous sommes consacrés au développement de supports pédagogiques. On partait du principe qu’il fallait apporter quelque chose de concret car malheureusement, quand on parle de langues africaines, c’est souvent très abstrait pour beaucoup. Maintenant, nous pensons être prêts et nous allons commencer à participer aux concours prochainement.
A.E : Quels sont vos Projets à court et moyen termes ?
À court et à moyen termes, nous comptons élargir le catalogue de langues pour donner plus de visibilité à un maximum de langues africaines, éditer des méthodes d’apprentissage pour adultes et enfants. À long terme, nous souhaiterions développer des tablettes éducatives permettant aux élèves d’accéder à des contenus pédagogiques basés sur leurs programmes dans leurs langues maternelles. Ce qui leur permettra d’accéder réellement à la connaissance car il est plus que difficile d’apprendre dans une langue qu’on ne maîtrise pas.
A.E : Aujourd’hui, beaucoup d’africains envisagent à mieux s’exprimer soit en Anglais, Français, Chinois, etc, sans penser aux langues locales. Quelle est votre avis sur cette situation ?
Cela ne m’étonne pas car beaucoup de personnes pensent que cela ne leur apportera aucune plus-value sur le plan professionnel surtout. Nous devons travailler sur cet aspect et montrer que les langues africaines peuvent servir d’outil de travail au même titre que l’anglais, le français, le chinois, etc. Nous devons montrer que nos langues représentent notre façon de vivre, penser, conceptualiser le monde qui nous entoure.
A.E : Combien de formations et autres séminaires avez-vous réalisé dans le cadre de ce Projet ?
Depuis notre création, nous réalisons chaque année plus d’une centaine de formations avec une forte augmentation depuis la pandémie de la COVID-19.
A.E : Est-ce que ces formations sont payantes ? Si oui, à combien ?
Oui, nos formations payantes car notre objectif vise à rendre accessible l’apprentissage de langues africaines à tous. Cela nous permet de financer en partie la création de supports pédagogiques, d’acheter du matériel, payer nos enseignants-collaborateurs qui sont au Mali, Sénégal, Bénin, Cameroun, Tanzanie etc. À titre d’exemple, depuis la rentrée de septembre 2020, pour nos cours par visioconférence en petit groupe de six personnes au maximum, la séance d’une heure et demie (1heure 30 minutes) est de 10 euros. Pour l’auto-apprentissage (E-learning) sur notre plateforme et/ou application mobile, c’est possible d’apprendre gratuitement.
A.E : Quelle est votre cible principale ? La diaspora ou les africains vivants sur le continent africain ?
Nos cours sont avant tout destinés aux africains, descendants d’africains ainsi qu’à celles et ceux qui aiment les langues et cultures africaines. À ce jour, la diaspora en est la principale cible mais il y a de plus en plus un fort engouement venant d’africains vivants sur le continent. Le deuxième volet du projet est dédié aux africains vivants sur le continent.
A.E : Quelle est votre point de vue sur l’africanité, exprimée par beaucoup d’africains ?
Je trouve que cela est une bonne chose car nous avons tout à gagner à aller puiser dans notre africanité pour trouver notre place dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Nous constatons qu’une grande partie de la diaspora l’expriment en voulant renouer avec les langues et cultures d’origines et / ou un retour au continent.
A.E : Que souhaitez-vous que nos dirigeants africains fassent afin de faire de ce continent, un continent qui a également son mot à dire dans le concert des nations ?
Je souhaiterai que nos dirigeants fassent beaucoup de choses mais voudrais surtout qu’ils prennent la question de politiques linguistiques à bras-le-corps car on ne peut pas se développer dans la langue de l’autre. Si nous voulons avoir des citoyens éclairés, engagés, nous devons revoir notre système éducatif et plus précisément la langue d’enseignement. Bien sûr qu’il y a bien d’autres choses à revoir mais l’éducation est la priorité.
A.E : Votre mot de fin à nos lecteurs
Permettez-moi de remercier le site www.afriqueeconomie.net , pour l’attention portée à notre travail. Pour finir, je dirai qu’il est temps qu’on s’intéresse vraiment à nos langues et cultures car connaître sa langue, sa culture, c’est se connaître soi-même. J’invite donc vos lecteurs à se rendre sur https://www.afrilangues.com/ pour commencer à apprendre le Bambara, le Soninké, le Pulaar, le Wolof, le Lingala, le Swahili, le Fongbe, le Douala, le Mina, le Sérère ou d’autres langues africaines gratuitement.
Interview réalisée par Nadège Koffi